Pèlerinage dans l'Authion
L’AUTHION … 75 ANS APRES !
14 août 2020
Relation écrite par Liliane RIGAUD, Vice-Présidente et Trésorière de la 1ère DFL et Trésorière du Comité 21 de la Fondation Maréchal de Lattre ; son père, Pierre ALBERT, était alors sous-officier dans l’Unité HADFIELD SPEARS, basée à l’hôtel Bristol de BEAULIEU/MER.
Qui connaît la dernière bataille de l’histoire de France sur notre sol, dans les montagnes des Alpes Maritimes ?
Elle fut décidée par le Général de GAULLE, 29 jours avant la capitulation du 8 mai 1945, au prix de 1 000 tués ou blessés, au sein de la Première Division Libre (composante de la Première Armée Française du Général de LATTRE).
Je suis allée sur les traces de mon père, accompagnée par Christine et Philippe JAVELET (Président de l’Amicale des Anciens de la 1ère DFL et Secrétaire du Comité 21 de la Fondation Maréchal de Lattre ) et Joëlle CORNU (Présidente du Comité et Secrétaire de la 1ère DFL).
Dans ses Mémoires de Guerre « Le Salut – 1944/45 », le Général de Gaulle a écrit :
« Dans les Alpes … nous devons, avant que le feu cesse, laver sur ce terrain les outrages naguère subis, reprendre en combattant les lambeaux de notre territoire que l’ennemi tient toujours, conquérir les enclaves qui appartiennent à l’Italie … les cantons de TENDE et de LA BRIGUE artificiellement détachés de la Savoie en 1860 ».
Si les Alpes Maritimes ont été libérées au Débarquement de Provence, le haut pays reste une zone de guerre : les Allemands tiennent les hautes vallées et contrôlent les voies de passage vers l’Italie; les habitants de MOULINET, de BREIL, de SAORGE et de FONTAN ont été déplacés de force en Italie.
Depuis mars 1945, la 1ère DFL montait la garde sur les bords du Rhin, face à l’Allemagne dans l’attente de la grande récompense : le franchissement du fleuve et la poursuite de la Wehrmacht sur son propre sol.
Le 9 avril 1945, l’ordre de l’opération « CANARD » est donné au Général GARBAY, chef de la 1ère DFL, qui installe aussitôt son PC de campagne sur la côte à BEAULIEU SUR MER (Hôtel Bristol).
Le capitaine BRISBARRE, commandant du Bataillon de Marche n°11 avouera : « … ce fut une amère désillusion, une espèce de frustration ; nous pensions qu’entre tous, l’Allemagne était pour nous, c’était un rêve vieux de quatre ans … »
Le massif de l’AUTHION est une redoutable forteresse naturelle ; il culmine à plus de 2 000 m et est couronné d’anciennes fortifications françaises de la fin du XIXè siècle, que les Allemands ont investies face à la France en 1940 (voir photo du camp de CABANNES VIEILLES).
L’AUTHION n’est accessible que par la seule route du col de TURINI, face à laquelle les Allemands ont mis en place un verrou défensif redoutable.
Les forces allemandes se composent de la 34è Division d’Infanterie avec le 107è IR (Infanterie Régiment) au Nord et le 253è IR au Sud ; il faut ajouter les Italiens au Nord : des Alpins du 3è Régiment de la Division « Littorio » et le 80è IR allemand en réserve.
Parmi les forces allemandes, des troupes aguerries par leur séjour sur le front russe et qui sont en place depuis 7 mois. En matériel, les Allemands disposent de mitrailleuses MG 42 tirant à 1 000m, de mortiers, de panzerfaust (bazookas), de 10 000 mines antipersonnel indétectables et mines anti-véhicules et anti-chars.
De nombreux tireurs d’élite très efficaces complètent ce dispositif.
Face aux Allemands, la 1ère DFL :
Elle se compose :
* du Bataillon d’Infanterie de Marine et du Pacifique (BIMP) ; c’est lui qui, par une attaque frontale sans appui aérien et d’artillerie, doit rompre le dispositif de défense de l’ennemi
* interviennent également les BM4, BM5, BM11, BM21 (Bataillons de Marche),
les 1er et 3è RA (Régiments d’Artillerie),
le 3è RIA (Régiment d’Infanterie Alpine),
la 13è DBLE commandée par le L.C.L. SAINT-HILLIER (13è Demi-Brigade de la Légion Etrangère)
le 22è BMNA (Bataillon de Marche Nord-Africain).
l’Escadron de chars des Fusiliers Marins (1er RFM) chargé de l’éclairage et de l’appui feu direct (7 chars légers STUART M3)
2 à 4 sections d’assaut équipées de bazookas, de lance-flammes, de grenades incendiaires et de mortiers fumigènes
des unités de déminage du 1er Bataillon du Génie, d’une compagnie anti-chars équipée de canons américains et de canons anti-chars allemands capturés en Alsace
Concernant les sections d’assaut, on peut noter la présence du L.C.L. LITCHWITZ, médecin personnel du Général de GAULLE.
Le 24 avril, c’est la retraite allemande.
Le col de LA LOMBARDIE (2350 m), déneigé par le Génie Français, est emprunté au lieu du col de TENDE détruit par les Allemands.
La 1ère DFL entre en Italie.
En 1947, la frontière franco-italienne est rectifiée et l’Italie cède à la France les communes de TENDE, de LA BRIGUE EN ROYA, les vallons de BOREON EN VESUBIE, de CHASTILLON et MOLLIERES EN TINEE.
Le bilan est très lourd pour les Français :
284 morts et plus de 1 000 blessés qui seront soignés au sein du poste chirurgical avancé de LANTOSQUE et de l’hôpital mobile n°3 installé à l’hôtel Bristol de BEAULIEU/MER (photos).
L’évacuation des blessés fut un calvaire pour eux et un cauchemar pour leurs camarades qui, à cause de la configuration du terrain, devaient les descendre à dos d’homme et souvent à 4 pattes jusqu’au poste de secours de la compagnie.
L’espoir fou de survivre pour les blessés était de pouvoir rejoindre l’Unité Médicale HADFIELD-SPEARS composée d’1/3 d’Anglais et de 2/3 de Français ; cette formation franco-anglaise a été cofondée en 1939 par Lady Mary SPEARS, épouse du Général anglais Edward SPEARS. Cette unité était sous le commandement du Médecin-Colonel Jean VERNIER.
Le dernier officier de la DFL tué : le Lieutenant Jean FEVRE du 22è BMNA le 21 avril 1945 ; il était aumônier et Compagnon de la Libération
Le dernier soldat de la DFL tué : le Quartier-Maître Laurent COMBAZ du 1er RFM, vétéran de la Guerre 14/18 et père de 4 enfants ; une mine lui a arraché les 2 jambes le 4 mai 1945 et il est décédé le 11 mai.
Deux héros, parmi d’autres, à ne pas oublier…
Le 23 octobre 1960, le Général de GAULLE inaugure le Mausolée de l’ESCARENE qui abrite 84 urnes dont celle d’Albert VERNIER, sous-lieutenant tahitien du BIMP ; son frère, André VERNIER, adjudant chef des FFI, avait été tué en juillet 1944 dans le Vercors. Leur père, pasteur à PAPEETE, apprendra par le même télégramme la mort de ses deux fils.
« Ces « Marsouins » qui ont quitté leurs îles lointaines, ces soldats perdus évadés de France, ces marins qui ont abandonné leurs bateaux et leurs océans pour grimper sur des montagnes à bord de blindés, sans trop réfléchir à autre chose, après 5 ans de guerre, que de finir le « job » d’une manière ou d’une autre, parce qu’il fallait libérer un dernier petit bout de France… ».
Le mot de la fin est pour le Capitaine Jacques DUPREY, officier d’état civil de l’hôpital qui comptabilisait ses patients : « La bataille de l’AUTHION …/… a été un immense holocauste, pour ne pas dire un massacre ».
L'hôtel Bristol aujourd'hui, avec la Rotonde où furent soignés les blessés, ce que rappelle la plaque sur la Rotonde
Le lendemain, 15 août, nous avons assisté aux cérémonies du 76è anniversaire du Débarquement de Provence à LA CROIX VALMER et à CAVALAIRE ; nous y avons retrouvé Marie-Hélène CHATEL, fille de Bertand CHATEL (Officier au 1er Régiment de Fusiliers Marins) et Déléguée mémorielle de la 1ère DFL au sein de la Fondation de la France Libre.
Référence : « Le Calvaire et la Gloire »
L’AUTHION 10 avril 1945
Alain FROUTE