Lettre envoyée le 6 novembre 1993 au rédacteur en chef du journal « Le Bien Public »
Début octobre, le correspondant de votre journal pour le canton de Saint-Seine-l’Abbaye vous a transmis un court article relatant les retrouvailles, après bientôt 50 années d’éloignement, de 4 femmes qui, jeunes filles d’une vingtaine d’années, répondant à l’appel de la Nation pour la libération de son territoire occupé, se sont engagées dans l’Armée Française pour la durée de la guerre.
Je pensais qu’un modeste article dans votre journal, relatant cet événement plein de souvenirs, de tendresse et d’émotion, valait au moins autant que la prise d’une carpe de 18 livres, la récolte d’un légume monstrueux ou la photo d’un groupe familial fêtant des Noces d’Or. Comme vos services, non intéressés, ont jugé bon de ne pas faire paraître l’article envoyé, laissez-moi vous rappeler ceci :
REMONTONS LE TEMPS ET REVENONS 50 ANS EN ARRIERE …
Grâce en partie au dévouement de jeunes filles engagées volontaires dans l’armée pour la durée de la guerre, beaucoup de Français, soulagés du joug de l’occupation, et pour certains (grâce à la présence de femmes à divers postes) dispensés d’un possible enrôlement obligatoire, fêtaient en grande liesse une liberté retrouvée qu’ils ne devaient certes pas, pour la plupart, à leur mérite propre, à leur courage ou à leurs efforts personnels. Des filles de chez nous, ambulancières, infirmières ou opératrices des Transmissions, sans repos, sans répit, continuaient courageusement à travailler durement pour leur patrie, leur engagement, pendant qu’ailleurs d’autres Français, profitant d’une liberté retrouvée, riaient et s’amusaient. Mais, au retour de ces courageuses filles, que d’ingratitude, que d’allusions perfides, insidieuses, mensongères en récompense de leur dévouement ! C’est ainsi qu’elles ont été remerciées par ceux qui leur doivent au moins un peu de reconnaissance, et c’est pourquoi je ne supporterai jamais d’entendre dénigrer et salir de telles filles, dont je suis fière d’avoir fait partie.
Je regrette vivement d’avoir été obligée de faire cette mise au point car, les années passant, on oubliera, si ce n’est déjà fait, quel a été le rôle des femmes dans la Libération de la France en 1944 et cela me fait bien mal…